J'ai le droit de voter !
[caption id=“attachment_1245” align=“alignright” width=“300”]Élections présidentielles 2014. Bureau de vote parisien. — © Mauricio Díaz Orlich[/caption]
Pour être plus précis, je peux voter depuis que j’ai 18 ans ; au Costa Rica. Le problème c’est que j’ai quitté le pays qui m’a vu naître le jour de mes 21 ans. (D’ailleurs, j’ai eu le droit à des soucis migratoires à cause de ce détail : le jour où j’ai décollé, je n’avais pas besoin de visa, mais le jour où j’ai atterri si, et le Consulat ne l’avait pas vu. Mais bon, je m’égare…)
Au Costa Rica j’ai pu participer à mes premières élections en 2002. J’ai même pu voter deux fois ! C’était extraordinaire, au sens le plus strict du terme, vu qu’un second tour était chose rare à l’époque puisque seuls deux partis dominaient la politique du pays depuis les années 50. Depuis, le multipartisme est devenu norme, ainsi que les seconds tours.
Les scrutins suivants je les ai vécus en tant que spectateur depuis la France. Le vote à l’étranger n’était pas possible et mon sens du devoir civique ne l’a pas emporté pas face aux prix imposés par les compagnies aériennes. En 2006, j’ai vu comment on a réélu un ancien président pour la première fois depuis les années 70 et en 2010, j’ai vu une femme être élue pour la première fois à la tête de la République.
J’ai retrouvé mes droits en 2014, le Tribunal Suprême des Élections ayant travaillé dur l’année d’avant avec le Ministère des Affaires Étrangères, et notamment les services consulaires, pour permettre aux costaricains à l’étranger de voter. Là encore, une première, on a élu à la tête de l’État le candidat d’un des partis jusque-là minoritaires. Une première personnelle aussi, j’ai choisi de m’impliquer dans le processus électoral en tant que bénévole au bureau de vote parisien.
Vous l’aurez compris, que d’émotions dans ma vie d’électeur !
En revanche, je viens de vous parler de 13 ans de ma vie de citoyen costaricain, mais concrètement j’ai vécu en France pendant 12 de ces années. Et, ici, je n’avais pas le droit de donner mon avis. Enfin, j’en avais le droit, mais personne n’était obligé d’écouter.
Tout change en 2015 alors que j’acquière enfin la nationalité française par décret (ou par persistance ; tout est question de point de vue). Ce qui nous amène au titre de ce billet : j’ai désormais le droit de voter ici aussi !
Je me suis diligemment inscrit aux listes électorales dès que j’ai obtenu tous les papiers nécessaires (encore une longue histoire que je m’amuserai peut-être à écrire un de ces jours), profitant du fait que les inscriptions étaient restées exceptionnellement ouvertes pour permettre un maximum de participation aux élections régionales anticipées.
N’ayant pas pu participer au jeu ces dernières années, je ne me suis que très peu intéressé à ses règles, ses équipes et ses joueurs et, pendant un instant, j’ai été pris par la peur de ne pas m’y connaître assez en politique française. J’ai rapidement compris que, en réalité, la politique c’est vraiment un peu comme le sport : il suffit de connaître les noms et les performances de deux ou trois équipes, ainsi qu’une poignée de joueurs stars, et on peut participer avec un minimum de crédibilité à la plupart des conversations.
Rien à craindre alors, mais un problème subsiste : j’ai bien reconnu les candidats et les partis quand j’ai reçu la documentation électorale à mon domicile et aucun ne m’inspirait particulièrement. Pire, certains étaient tout simplement répulsifs, de par leurs idéologies et/ou leur réputation. Je parcours de nouveau les noms, les partis, et de décide quand même de mettre une liste dans mon enveloppe.
[caption id=“attachment_1323” align=“alignleft” width=“300”]Carte électorale inaugurée le 6 décembre. — © Mauricio Díaz Orlich[/caption]
Le premier tour se déroule sans grande surprise. Mais maintenant il faut refaire l’exercice. Sauf que, cette fois-ci, le choix est nécessairement plus restreint. Nous avons un bel assortiment de xénophobes, homophobes et profiteurs à qui confier nos régions.
J’ai donc le droit de voter, mais ce premier suffrage en France ne me réjouit pas.
J’ai été naïf d’espérer le contraire, mais j’aurai retenu quelque chose, quand même : si la situation actuelle m’attriste, c’est surtout de ma faute. Je n’aurais pas dû être surpris. J’habite ici depuis 12 ans. Mais visiblement, comme beaucoup, je m’étais laissé séduire par l’indifférence et le status quo.
On considère souvent les gouvernements comme une sorte d’entité toute-puissante qui doit être capable de résoudre les problèmes de tout le monde comme par magie. Le fait qu’en France nous ayons une caste politique dont le seul but semble être de nous faire croire qu’ils ont vraiment acquis des super-pouvoirs ou des connaissances secrètes dans leurs écoles et leurs partis permettant une telle utopie, n’améliore pas du tout les choses.
Ce qu’il faut faire, ou plutôt, ce que j’ai décidé de faire à partir de maintenant c’est arrêter de subir la politique et m’y impliquer de manière active, à hauteur de mes moyens, comme la démocratie m’y de donne le droit. Sans quoi je n’aurai plus le droit de critiquer ou de râler.
L’action ne sera pas forcément monumentale. Je n’annonce pas de candidature à un mandat public dans le court terme, a priori. Mais je ne me contenterai plus d’être passif : je continuerai à voter, j’irai chercher des informations ailleurs que dans les grands médias biaisés, j’écrirai pour partager mon opinion avec le public et les élus, et je supporterai les groupes et associations qui travaillent aussi dans ce sens.
Je vous tiendrai au courant de ce que ça donne.